New Flesh 

Yesmine Ben Khelil

[NOUVELLE CHAIR] 

LA SENSATION DU SOIR EST PROFONDE

03.11.2022 > 08.06.2023

UNE LECTURE DE L’OEUVRE DE YESMINE BEN KHELIL PAR AZIZA HARMEL (FRAGMENTS D’UN MUSÉE MORT-VIVANT, DAR EL HOUT)

L’une des premières œuvres que j’ai vues de cette exposition était un dessin du bâtiment de Dar El Hout, le musée océanographique de Salammbô se noyant sous une forte pluie. La pluie s’accumule jusqu’à recouvrir presque entièrement le bâtiment. Le dessin était fixé à l’un des murs du studio de Yesmine et le sol en dessous était couvert de notes, d’images de poissons et de photos prises à l’intérieur du musée. Dans l’une de ses notes, j’ai lu: un musée océanographique se noie. Cela m’a fait penser à une scène de film où le protagoniste entre dans la mer, pendant une tempête, tout habillé, en tenant un parapluie. Je ne sais pas si j’ai pensé à cette scène, parce que c’est Yesmine qui m’a introduite au travail de ce réalisateur de films d’horreur ou parce que le dessin et la scène contenaient tous deux quelque chose d’absurde, mais surtout la tension d’une menace potentielle. Ils sont tous deux de mauvais présages. Devant le dessin de Yesmine, je me demande ce qui se passe à l’intérieur du musée qui se noie, plus tard je devais comprendre que la réponse était liée à ce qu’éventuellement il se passerait, si nous commencions à explorer au-delà de nos limites « naturelles« .

L’exposition est un collage de fragments provenant du musée océanographique de Salammbô, également appelé Dar El Hout en arabe, qui est le principal musée tunisien consacré à la mer. Il est situé à Carthage, dans la banlieue nord de Tunis, sur le site de son ancien port punique. Ceux qui ont visité Dar El Hout savent qu’il a quelque chose d’assez étrange, voire d’anachronique. Et ceux qui connaissent l’œuvre de Yesmine savent combien elle résonne avec des espaces mystérieux. dans les années nonante 

Construit sous la colonisation française en 1924, le musée était une entreprise de colonisation culturelle, et en tant que tel un outil intentionnel de domination politique et épistémologique. En tant que musée océanographique, son rôle était également d’étudier et d’explorer la mer dans la région afin de savoir comment mieux l’exploiter. Depuis l’indépendance en 1956, un grand effort a été fait pour restaurer et modifier les salles du musée, au début des années 90, un espace entièrement dédié aux aquariums fut même créé au rez-de-chaussée. Malgré ces efforts, le musée est aujourd’hui un étrange relique éclectique ayant pour principaux visiteurs des élèves et des familles. C’est son étrangeté et sa temporalité déréglée qui font le charme de ce lieu. En outre, son esthétique éclectique perturbe les canons modernes du musée, ce qui en fait un espace hybride. C’est probablement cette hybridité qui a d’abord attiré Yesmine.

Cette exposition composée de fragments de Dar El Hout est présentée dans l’espace d’exposition de La Boîte. Cet espace se trouve au sein même du siège du groupe Kilani, un groupe de sociétés travaillant dans le domaine de la santé, du bien-être et de l’hygiène, situé dans une zone industrielle de Tunis (La Charguia I). La Boîte est devenue au fil des années un espace important au sein de la scène artistique contemporaine tunisienne. Elle est comme elle se décrit elle-même un laboratoire de recherche au profit des artistes. La vocation de La Boîte, au-delà du soutien à la création contemporaine en Tunisie, réside dans la sensibilisation des employé.es de l’entreprise à l’art contemporain, et dans leur familiarisation avec le processus de création. 

AZIZA HARMEL, 03.11.2022

Biographie

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