mouna karray
THE PATTERNS OF FERDOUSse

15.06 > 10.10.2023

Texte de l’exposition par Adnen JDEY

Mémoire en gestes

À l’écoute, c’est une douce voix aux accents vifs qui, d’emblée, fraie son chemin et nous accueille sans lourdeur introspective. Et, à l’écran, ce sont un visage au regard noisette et des gestes menus qui, à quelques pas, nous arrêtent sans dramatisation. Mouna Karray, à qui on doit La coupure en 2004 – travail de deuil sur l’image qui manque, après la disparition du père –, revient, deux décennies plus tard, avec un travail de mémoire sur Les Patrons de Ferdousse. En cinéaste complice, sachant d’où elle vient et où elle va, elle tourne son objectif vers les siens. Ici, une mère en laquelle la photographe a toujours vu « une femme de goût », et « une battante ». Mais Mouna Karray a sa façon bien à elle d’éviter le confort de la restitution, et d’une esthétique rejetée en ses bords, à la manière qu’avait cette mère de comprendre les choses les plus essentielles – d’un geste humble, mais sans cesse réinventé. C’est parce qu’elle n’est pas adepte de la table rase que l’artiste a pris son temps, et on ne se risquerait pas à lui en tenir rigueur. Qu’on se représente la démarche : entre 2010 et 2017, la caméra de Karray couve d’un regard attentif le visage de Ferdousse avant sa disparition en 2021, lui offrant par là un espace de parole dépliée sur la durée.Sa mémoire bien à vif a, curieusement, tout bon : sans s’encombrer de détails, elle remonte et redescend les années d’un coup d’aile. A l’évocation rétrospective du passé, le risque était grand pourtant : le risque qu’à l’autre bout du parcours, des paroles viennent solder les comptes comme si le témoignage de la mère formait le pendant nécessaire aux images manquantes du père. Le résultat aurait pu être de surexposer ce qui est resté sous-exposé. Mais il n’en est rien : Les Patrons de Ferdousse ne saurait se réduire à l’économie d’une évocation en tête à tête. La puissance du lien ne fait aucun doute ; ce n’est pas pour autant la relation de l’artiste à sa mère, thème biographique abondamment exploité, qui est ici en jeu. Car il n’est pas question pour Mouna Karray de reconstituer l’épisode au grand complet et en vision large, aussi nécessaire que soit une telle reconstitution. Le geste, puisque c’est de cela qu’il s’agit dans cette double démarche au long cours, est un plutôt un geste commun : pour l’une comme pour l’autre, il s’agit de recroiser la chaîne et la trame dans les sautes d’aiguillages du temps.

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Exposition The Patterns Of Ferdousse Mouna Karray La Boîte